Inclure

Éditorial de Patricia

J’ai encore pleuré… pleuré de voir nos enfants, dans la rue, pris en otage de nos querelles politiciennes. Élection après élection, les mêmes manoeuvres et événements se répètent, preuve, s’il en est, qu’ils ont moins à voir avec les personnalités et les programmes de tel homme ou femme politique, qu’avec des schémas mentaux collectifs à déconstruire. 

Tandis qu'ils reprennent le chemin de l'école, rappelons-nous!  

Nous souhaitons TOUS que nos voix, nos aspirations et nos besoins soient entendus. Et si nous pouvons comprendre et accepter que ces derniers ne soient pas assouvis dans l’immédiat, le fait qu’ils soient entendus, compris et reconnus comme légitimes, rassure, apaise et construit la confiance. Encore faut-il qu'ils soient exprimés de manière claire, respectueuse de l’autre et responsable. 

Dire : “Dakar n’est pas trop ma tasse de thé”, c’est très différent que d’affirmer : “ Je sais que vous avez des engagements importants à Dakar, mais si c’est possible et quand cela sera possible, j’aimerais aller étudier à Paris”. Ces deux phrases, je les ai entendues de la bouche de ma fille de 15 ans. La première, il y a trois ans, a eu pour seule conséquence, bien que désagréable, un fort pincement au cœur de la savoir pas complètement heureuse à Dakar. La deuxième, c'était il y a trois mois ; et celle-là nous a fait remuer ciel et terre pour l’accompagner dans son projet. 

Cet échange me paraît symptomatique de ce que nous avons à désapprendre dans nos sociétés :  réduire, voire supprimer la distance hiérarchique, en adoptant un leadership de proximité. Cela passe par l’implication systématique et bienveillante de tous les acteurs et de toutes les actrices dans les décisions qui les concernent ET par la désacralisation de “l’autorité” pour (oser) se parler, dialoguer, échanger autrement. Ces déconstructions sont difficiles à mettre en œuvre, à imaginer même, tant la notion de “kilifa” et l'obéissance que nous serions censés, culturellement, devoir au “chef” sont profondément inscrites dans nos cerveaux. Et des “kilifas”, il y en a à la maison, au bureau, dans nos cercles sociaux, dans nos instances économiques et politiques ; nous-mêmes nous nous considérons, quelque part, comme “kilifas” de membres de notre entourage, et ce statut que nous nous décernons nous éloigne les uns des autres, ...Et l’écoute et l’entente se perdent. 

Aussi ardues soient-elles, les déconstructions que nous appelons de nos vœux sont des gages d’inclusion, de cohésion et de croissance de nos collectifs. Ce sont nos aspirations, c’est notre volonté, c’est notre avenir. Et nous y parviendrons, “ndank, ndank”. 

Belle lecture 

Patricia

 1. Kilifa: Chef, en wolof.  2.Ndank: Lentement, en wolof.