Thiaba Camara Sy : "Tout est histoire de connexion et de communication."

D’aussi loin qu’elle se souvienne, Thiaba Camara Sy a toujours voué une véritable passion pour le monde équestre et le cheval, un animal qui l’apaise et l’inspire au quotidien. Aujourd’hui Directrice des Opérations chez AFIG Funds, après avoir dirigé durant de nombreuses années le cabinet Deloitte Sénégal, cette cavalière accomplie considère l’équitation comme une extraordinaire « école du leadership ». Entretien.


À quand remonte votre passion pour le cheval ?  

Vers l’âge de 5 ans déjà, j’aimais aller au cinéma regarder « Le Petit Joselito » qui racontait l’histoire d’un petit cavalier espagnol. Cette série m’a donné l’amour du flamenco et du cheval.

À quelle fréquence pratiquez-vous l’équitation aujourd’hui ?

Je monte à cheval tous les matins à 7 heures au Cercle de l’étrier de Dakar (C.E.D) pour une leçon avec un instructeur ou une balade sur la plage au lever du jour. J’ai besoin de cette bouffée d’oxygène.

Quel est votre plus beau souvenir avec un cheval ?

Peut-être ma rencontre avec mon premier cheval, une jument nommée Princesse. C’était comme l’aboutissement d’un rêve. Je n’arrêtais pas d’embêter mes parents pour qu’ils m’inscrivent au cheval et ils m’envoyaient régulièrement balader jusqu’au jour où, pour mes dix ans, mon père m’a offert Princesse. C’est Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh qui lui avait recommandé de le faire en lui disant : « il serait bon que tu élèves un ou des chevaux car ce sont des animaux aimés de Dieu ». Dans la foulée, mon père m’avait inscrite à la Gendarmerie où j’ai fait partie des cadets de l’escadron monté. C’est de là que sont nées la plupart de mes amitiés d’enfance que je garde encore aujourd’hui. J’ai très vite fait de la compétition et pratiqué le dressage, le saut d’obstacle et le cross. Quand je suis allée en France faire ma classe préparatoire en école de commerce, c’est le seul sport que je n’ai pas arrêté. À l’ESCP où je faisais partie de l’équipe des cavaliers, j’ai participé à des tournois internationaux d’étudiants. J’en garde de merveilleux souvenirs. Ce que j’aime aussi avec ce sport, c’est qu’il est, à ma connaissance, le seul qui soit complètement mixte. On ne fait pas de distinction dans les combinaisons de couple (monture et cavalier) entre homme ou femme, cheval, hongre (cheval castré) ou jument.

​La passion équestre est chez vous une histoire de famille…

Mon père avait un haras à Thiès et beaucoup de ses chevaux ont marqué l’histoire des courses hippiques du Sénégal et remporté des trophées nationaux avec notamment Linguère, Samba Linguére, Serigne Mansour-Borom Daradji… À l’époque, le reporter des courses, notre « Léon Zitrone » national, était Abdoulaye Nar Samb. Je me souviens d’une édition du Grand Prix du Chef de l’Etat au cours de laquelle « Serigne Mansour » avait fait un faux départ puis réussi une remontée phénoménale. Le suspense était insoutenable et nourri par la passion d’Abdoulaye Nar Samb qui au fil de la course était passé du rôle de commentateur à celui de griot et ce fut au rythme d’une superbe et émouvante déclamation de la généalogie de son illustre homonyme humain que le cheval a franchi, en vainqueur, la ligne d’arrivée. Des moments comme celui-là qui vous donnent la chair de poule. Le monde du cheval est une passion traditionnelle très vivante au Sénégal et une opportunité importante pour développer la filière de l’élevage et tous les métiers autour.

Le cheval est un animal aussi très présent dans l’histoire du Sénégal. On peut citer « Malaw », le célèbre cheval de Lat Dior…

Absolument. En wolof, il existe un vocabulaire exclusivement dédié au cheval, de la même manière qu’il existe un vocabulaire exclusivement dédié aux rois. Nous avons traditionnellement un respect profond pour les chevaux. Dans le haras de mon père, les chevaux étaient massés, bichonnés et nourris au mil germé. Pendant une année de sécheresse intense, Macodou Diop, le gestionnaire du Haras, avait échangé du riz destiné à la consommation de sa famille contre des sacs de mil pour nourrir les chevaux. Lui aussi était un grand passionné. Il était douanier et a refusé une affectation en Casamance parce que les chevaux ne peuvent pas y vivre. C’est grâce à la médiation de Serigne Abdoul Aziz Sy qu’il a finalement été muté à Karang (frontière gambienne) où il est parti en emmenant un cheval pour lui tenir compagnie. L’Hippodrome de Thiès porte son nom.

En hébreu, cheval signifie « celui qui aide l’homme à grandir ». Le cheval vous a-t-il aidée à grandir, dans votre parcours personnel et professionnel ?

Complétement. Je suis profondément consciente du fait que si je n’avais pas été cavalière, je n’aurais pas eu le même parcours académique et peut être pas la même réussite professionnelle. L’équitation est une pratique qui m’a profondément forgée, en terme de valeurs et de passion. Le cheval est un animal qui vous permet d’exprimer ce qu’il y a de plus noble et de plus grand en vous. C’est un animal d’une générosité touchante. C’est à la fois la force et le respect, la douceur et la générosité, la puissance et l’humilité… Et puis c’est une école de la patience. Dans le rapport avec le cheval, tout est dans la finesse de la communication. Je trouve toujours très émouvant de voir de petits enfants être d’excellents cavaliers. Ils parviennent à guider une monture dont ils représentent peut-être 3% du poids…Tout est histoire de connexion et de communication.

Qu’est-ce que l’univers du management et celui de l’équitation ont en commun selon-vous ?

En pratiquant l’équitation, on intègre le fait que l’on n’obtient pas le maximum d’un potentiel par la brutalité ou la contrainte. C’est peut-être l’une des premières leçons que j’ai acquises. Comment arriver à persuader, à convaincre, à inspirer confiance et à faire que quelqu’un vous suive ? Le cheval est une école de leadership extraordinaire. Dans la nature, les chevaux vivent en troupeau, avec un leader. Le leader est suivi parce qu’il est reconnu par ses qualités et le jour où il perd la confiance du groupe, son leadership s’éteint immédiatement. Si un cheval fait confiance à son cavalier il le suit, quelques soient les circonstances et lui donne tout ce qu’il a.

Parmi les aides du cavalier, il y a la voix mais l’essentiel est non-verbal. Lorsqu’on a peur, le cheval le perçoit et cela l’inquiète. Il devient nerveux ; ce qui renforce la peur du cavalier et un cercle vicieux s’instaure. Cela vaut également dans la communication humaine. Souvent, nous n’avons pas conscience que nous communiquons énormément sans faire intervenir le langage. On ne peut pas mentir avec son cheval car c’est notre corps et notre mental qui lui parlent. Si l’on transfère cela au plan humain, ça aide à comprendre comment, plutôt que de manipuler les gens pour en obtenir des résultats immédiats mais superficiels et peu durables, il vaut mieux construire des relations fondées sur la confiance.

Quel rôle peut jouer le cheval selon-vous, dans la dimension de l’accompagnement d’un individu ou d’un groupe de personnes, notamment dans la vie professionnelle ?

Le cheval est souvent utilisé en thérapie. Nous le faisons au CED, avec des enfants autistes et avons obtenu des résultats magnifiques. Je ne suis pas une spécialiste mais pour tout ce qui a trait à la communication, à la maîtrise de ses émotions, à la prise de conscience de soi, ses attitudes, ses crispations…, je trouve que le cheval est une excellente école. Leur compagnie est toujours apaisante et inspirante.

Entretien réalisé par Beautiful Soul


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